Le maire de New York, Eric Adams, fait face à des accusations graves de corruption après une enquête fédérale qui a révélé des contributions électorales illégales et des voyages de luxe financés par des ressortissants turcs. L’affaire, rendue publique jeudi, a plongé la plus grande ville des États-Unis dans une crise politique, alors que les procureurs détaillent un stratagème de longue date impliquant Adams et des ressortissants turcs cherchant à influencer des décisions politiques en leur faveur.
Selon un acte d’accusation de 57 pages, Adams, 64 ans, aurait accepté des contributions financières illégales pour sa campagne à la mairie de 2021. Ces fonds proviendraient de sources turques dissimulées par des citoyens américains, permettant à Adams d’obtenir un financement public supplémentaire de 10 millions de dollars. Outre ces contributions, le maire aurait également bénéficié de voyages de luxe, de séjours gratuits dans des hôtels de grand standing et de repas somptueux dans des restaurants haut de gamme, gracieusement offerts par des entreprises turques.
Les accusations portées contre Eric Adams comprennent cinq chefs d’accusation criminels, et s’il est reconnu coupable, il risque de passer plusieurs décennies en prison. Malgré ces allégations, Adams a fermement nié toute implication dans un quelconque acte répréhensible et a affirmé son intention de se défendre devant le tribunal. Lors d’une conférence de presse, il a déclaré qu’il continuerait à exercer ses fonctions de maire, en dépit des appels à la démission lancés par certains de ses concitoyens.
Des liens étroits avec des acteurs turcs
Les procureurs ont décrit un lien étroit entre Adams et des diplomates turcs, qu’il aurait aidés à obtenir des avantages à New York en échange des contributions et des avantages offerts. L’une des actions les plus notables d’Adams a été sa pression sur les responsables municipaux pour accélérer l’ouverture d’un nouveau consulat turc de 36 étages, malgré les problèmes de sécurité détectés lors des inspections initiales.
Dans l’acte d’accusation, il est allégué qu’Adams aurait contacté plusieurs fois les inspecteurs de la sécurité incendie pour qu’ils approuvent l’ouverture du consulat à temps pour une visite du président turc Recep Tayyip Erdogan en septembre 2021. Après avoir reçu l’aval des pompiers, Adams aurait informé les diplomates turcs, qui lui auraient exprimé leur gratitude en le qualifiant de « véritable ami de la Turquie ».
Ces actions soulèvent des questions sur l’influence qu’Adams aurait exercée en faveur d’intérêts étrangers au détriment des protocoles de sécurité établis par la ville de New York. En réponse à ces allégations, Adams a déclaré qu’il souhaitait un procès public afin de laver son honneur.
Des voyages de luxe en Turquie
Les procureurs ont également révélé qu’avant son mandat en tant que maire, Adams avait accepté un voyage luxueux financé par une compagnie aérienne turque alors qu’il était président de l’arrondissement de Brooklyn. Le voyage comprenait un séjour de deux nuits dans une suite de l’hôtel St. Regis à Istanbul, un hébergement qui coûte normalement 7 000 dollars, mais pour lequel Adams n’aurait payé que 600 dollars.
En outre, il est rapporté qu’Adams aurait régulièrement utilisé les services de cette compagnie aérienne, même lorsque ses itinéraires n’étaient pas adaptés à ses besoins. Dans un message textuel de 2017 adressé à sa partenaire, Adams aurait plaisanté en disant que leur première escale était toujours Istanbul, faisant allusion à ses fréquents voyages via la Turquie.
Pressions politiques et influence étrangère
Les accusations contre Eric Adams ne se limitent pas à des contributions de campagne illégales. Les procureurs affirment qu’Adams aurait également utilisé son influence pour satisfaire certaines demandes de diplomates turcs sur des questions sensibles, y compris sur des événements historiques controversés.
Un exemple flagrant inclut sa décision de ne pas faire de déclaration sur les massacres d’Arméniens en 1915, une question hautement sensible que Washington a qualifiée de génocide. Selon l’acte d’accusation, Adams aurait été influencé par les diplomates turcs qui cherchaient à éviter tout commentaire public de sa part sur ce sujet délicat.
Les répercussions politiques
Cette affaire pourrait avoir des conséquences importantes sur l’avenir politique d’Eric Adams. Alors qu’il envisage une réélection en 2025, ces accusations risquent de fragiliser sa position et de rendre ses chances de succès plus incertaines. Plusieurs politiciens démocrates, dont la représentante Alexandria Ocasio-Cortez, ont déjà appelé à sa démission.
Cependant, d’autres figures politiques influentes, comme Hakeem Jeffries, le chef de la majorité démocrate à la Chambre des représentants, se sont abstenues de demander sa démission, tout en reconnaissant la gravité de la situation. Jeffries a exprimé sa préoccupation pour le bien-être de la ville de New York dans un message sur les réseaux sociaux, sans prendre position sur l’avenir d’Adams en tant que maire.
Une administration sous pression
Cette enquête s’ajoute à une série de turbulences au sein de l’administration Adams. Depuis plusieurs semaines, New York est en proie à des démissions de haut niveau dans le gouvernement municipal. Le commissaire de police Edward Caban a démissionné en septembre, suivi par le conseiller juridique en chef d’Adams. Mercredi, le directeur des écoles publiques de la ville, David Banks, a également annoncé qu’il prendrait sa retraite à la fin de l’année.
Ces départs coïncident avec des enquêtes fédérales approfondies, certains hauts responsables ayant vu leurs téléphones saisis par des agents fédéraux. Cette succession de démissions et de révélations renforce la pression sur le maire, qui doit maintenant faire face à des accusations criminelles tout en tentant de maintenir la stabilité de son administration.
Alors que l’enquête se poursuit, l’avenir d’Eric Adams en tant que maire de New York est de plus en plus incertain. Les accusations de corruption et d’influence étrangère, combinées à la tourmente au sein de son administration, pourraient affaiblir sa position et menacer son avenir politique. Adams, cependant, reste déterminé à prouver son innocence et à continuer d’exercer ses fonctions, malgré les appels croissants à sa démission. Les prochains mois seront cruciaux pour l’avenir politique de celui qui, il y a encore peu, était perçu comme une étoile montante de la politique new-yorkaise.